NON DIPLOME AU COMPTOIR
Comme souvent quand je passe devant ma toute première pharmacie, celle où j’ai été apprentie, j’entre dire bonjour et faire la bise au titulaire maintenant assistant pour lequel j’ai grande estime.
On papote, on prend des nouvelles, on se remémore certaines anecdotes…
J’aime bien ce moment. Même si la pharmacie a bien changé depuis tout ce temps, elle reste familière. Je m’y sens comme chez moi. Il faut dire que j’y suis restée 8 années tout de même, ce n’est pas rien !!
Surprise de ne pas y trouver mon ancien collègue Sylvain, je demande si tout va bien.
Mon ancien patron me dit alors que Sylvain ne travaille plus depuis 1 an déjà et qu’il est en dépression. La dernière fois que je suis passée personne ne me l’avait dit et j’ai pensé qu’il était en vacances. La fois d’avant je lui avais trouvé une petite mine et lui avais même fait remarquer. J’apprends alors que l’inspecteur de la pharmacie est passé…
Lorsque j’ai débarqué dans cette pharmacie, Sylvain était là depuis une dizaine d’années. Il avait passé un CAP mais n’avait pas poursuivi ces études et exerçait donc sans diplôme.
A l’époque, je ne voyais pas ce qui pouvait poser problème puisque Sylvain était très professionnel et adoré par la clientèle.
Un jour où je n’étais pas présente, un inspecteur a déboulé à la pharmacie.
Il s’est alors installé derrière Sylvain et l’a observé travailler. Il a ensuite commenté au titulaire que, bien que Sylvain ne devrait pas être au comptoir, il laissait couler pour cette fois parce que Sylvain faisait bien son travail.
Malheureusement, cette fois-ci, ça ne s’est pas passé de la même façon et bien que je sois militante contre les personnes non diplômées au comptoir, connaissant bien Sylvain, je me suis sentie très attristée par la situation.
L’inspecteur a fait savoir que Sylvain ne devait plus servir d’ordonnances au comptoir sous peine de poursuite et d’amende.
Dans un premier temps, il a été cantonné à la vente de la parapharmacie et à la réception des commandes. C’était un coup dur pour lui, parce que les clients le cherchaient et ne comprenaient pas pourquoi du jour au lendemain, il ne pouvait plus les servir et conseiller. En plus, histoire de compléter les difficultés, Sylvain a perdu à cette période ses deux parents et ce, à un mois d’intervalle.
C’était trop, il a fait une dépression…
J’avoue que ça doit être difficile après plus de 20 ans de métier de se retrouver relégué au back office. Déjà qu’avec le temps, on se lasse du métier si en plus on vous assène ce coup dur... Je me doutais bien que ça arriverait un jour mais j’espérais un peu qu’il passerait entre les gouttes…